MuséoSeine a mis à profit le temps de sa fermeture annuelle pour programmer un chantier de restauration de trois bateaux de sa collection. Des pièces considérées comme sensibles puisque leur coque réagit aux vicissitudes du temps. Agnès Blossier, restauratrice, experte du travail du bois, est venue à leur chevet.
Le huit barré est réparé. Suspendu dans les airs à MuséoSeine, le bateau ne laisse (presque) plus rien apparaître des vicissitudes du temps. Le navire de 18,50 mètres de long, date de 1936.
« Il a été utilisé plus d’une cinquantaine d’années jusqu’en 1988 par le club nautique de Rouen, pour la pratique de l’aviron, avant de rejoindre notre musée », rappelle Juliette Fortunato, chargée de collection des musées de Caux Seine agglo. L’embarcation a une longue histoire, faite de quelques accidents. « Dès son entrée au musée, il accusait déjà quelques fissures au regard des chocs qu’il a reçus sur l’eau. »
Agnès Blossier, restauratrice, est venue à son chevet les 4 et 5 décembre 2024, pour réparer une ancienne fissure qui s’est allongée avec le temps. Comme une longue craquelure d’un peu plus de deux mètres.
MuséoSeine a fait le choix de le confier une nouvelle fois aux mains expertes de la restauratrice. Le musée collabore depuis 2015 avec la professionnelle implantée près de Tours et dont la renommée n’est plus à faire.
Initialement restauratrice de sculptures, Agnès Blossier a consolidé son expertise du travail du bois avec le musée national de la marine dont elle répare régulièrement bateaux et maquettes. Ce qui fait d’elle aujourd’hui une spécialiste agréée pour travailler sur les collections de tous les musées de France. Elle a contribué récemment au succès de la réouverture du musée national de la Marine qui ouvrait ses portes au public en novembre 2023 après six années de chantier. C’est elle qui a redonné éclat et splendeur à de nombreuses pièces de ses collections. Le musée possède l’une des plus belles et des plus anciennes collections au monde qui retrace plus de 250 ans d’histoires maritimes et navales françaises.
Hors d’eau, c’est contre-nature !
A MuséoSeine, Agnès Blossier est déjà complice aussi, des objets navigants de la collection. Le Huit barré est notamment passé entre ses mains à son entrée en musée.
Elle en connaît le bois, sa nature, ses forces mais aussi sa fragilité.
« Un bateau de collection est une embarcation qui n’est plus du tout en contact avec l’eau. Mais être hors d’eau, c’est un peu contre-nature. Inévitablement, le bois, cette matière vivante, sèche et craque. Agnès est habituée de cette problématique », détaille Juliette Fortunato.
Positionnée sur son échafaudage pendant deux jours, la restauratrice a « colmatée » soigneusement la fissure sur la coque très fine en feuilles d’acajou, qui n’a pas bien réagi à l’humidité et à la température ambiante des lieux.
« Cette fissure avait déjà fait l’objet d’une première restauration. C’est une reprise », indique Juliette.
La restauratrice a appliqué sur cette entaille une colle de poisson, « qui est un adhésif naturel réversible, autrement dit qui est en mesure de lâcher s’il a trop de pressions dans la coque pour ne pas l’abîmer », explique Agnès Blossier. La réversibilité constitue l’un des grands principes éthiques d’une restauration !
La professionnelle est intervenue également, pendant son séjour en bord de Seine, sur une pilotine de 1945, elle aussi marquée par les affres du temps.
« L’étoupe qui sert de jointure entre les éléments du bateau, avait séchée aussi avec le temps. »
Une boutique du début du XXe siècle conçue pour conserver le poisson pêché au frais, a bénéficié également des soins de la restauratrice.
Ces interventions ont été réalisés dans le silence d’un musée vidé de son public. Les équipes de MuséoSeine mettent à profit la période de fermeture annuelle pour être aux petits soins des collections et permettre la mise en place d’imposants chantiers de restauration. La période est propice aussi pour faire les inventaires et préparer la nouvelle saison d’animations. D’ailleurs, une nouvelle exposition temporaire est en préparation. Vous pourrez la découvrir en mars prochain, un mois après la réouverture du musée programmée le 1er février !
Infos : musees.cauxseine.fr
